Les carnets de Victor Frankenstein, par Peter Ackroyd

Le jeune Victor Frankenstein étudie à Ingolstadt, en Suisse, sa patrie. Mais très vite il s'y sent à l'étroit et il décide de rejoindre une prestigieuse université d'Oxford, afin d'y poursuivre des études plus poussées. C'est là qu'il fait la connaissance d'un jeune idéaliste athée, Percy Bysshe Shelley. A la suite d'un scandale, ils sont renvoyés de l'université et se retrouvent à Londres. Après la mort de sa soeur, puis de son père, restés en Suisse, Frankenstein ne désire qu'une chose : poursuivre ses expériences sur l'électricité et sur la mort...

[ceci est la reprise de ma chronique écrite en février 2011 sur l'ancien blog, corrigée et remaniée]

illustration de Maurice Coriat (conception graphique)
Incroyable relecture du chef-d'oeuvre de Mary Shelley (Peter Ackroyd en fait même un des personnages de son roman) publié en 1818, que d'aucuns considèrent comme une des premières oeuvres de science-fiction, ce livre nous plonge dans la psychologie de plus en plus torturée du célèbre docteur. Comme dans l'oeuvre originale, le narrateur est Victor Frankenstein lui-même. Mais au lieu de le cantonner à sa Suisse natale, il le fait voyager jusqu'en Angleterre où il rencontrera, outre Percy Shelley, la deuxième femme de celui-ci, Mary, Lord Byron lui-même, ainsi que le "médecin" personnel de ce dernier, Polidori.

Si cela vous dit quelque chose, c'est normal. En effet, en 1816, ces quatre personnages réels ont réalisé un célèbre voyage jusqu'en Suisse, à la villa Diodati (qui n'en finit pas d'inspirer bon nombre d'écrivains, de tous les continents, comme en témoigne ce La Villa des mystères, par Federico Andahazi). C'est en effet dans cette demeure, par une fameuse nuit de tempête (influencée, paraitrait-il, par une incroyable erruption solaire cet été-là) que Mary Shelley écrivit la première esquisse de ce qui deviendra son Frankenstein ou le Prométhée moderne. De son côté, Polidori, sur une idée originale de Byron, fit naître Le Vampire. De l'avis général, ce roman est assez médiocre. Cependant, il inspira presque quatre-vingt ans plus tard celui qui deviendra un maître du genre, Bram Stoker. Sans que cela semble artificiel, Ackroyd ajoute son Frankenstein à cette troupe d'artistes en goguette.

C'est brillant. D'autant que ce roman est servi par une écriture fort agréable à lire, pourtant assez classique mais jamais ampoulée. Eh oui, il fallait bien reprendre la façon d'écrire d'un gentilhomme de ce début du XIXème siècle. Le plus étonnant, c'est que Peter Ackroyd réussit l'exploit de renouveler le personnage mille fois rabâché (par le cinéma notamment, mais aussi le théâtre, la bande-dessinée et même les jeux vidéos) du savant fou et de la fabrication de la fameuse créature de Frankenstein (nom de la créature qui a très vite supplanté celui de son créateur), mythe moderne s'il en est. Une oeuvre littéraire encore vivace de nos jours puisqu'elle continue d'inspirer des auteurs (Brian Aldiss, dans les années 70, et son fameux Frankenstein délivré). On peut dire ici que Peter Ackroyd, tout en gardant le matériaux de base, parvient à surprendre (un peu) son lecteur en proposant de l'originalité.

Une réussite, assurément.

Les carnets de Victor Frankenstein - éditions Philippe Rey - trad. de Bernard Turle - 352 pages - 21€ - D.L. : février 2011

note : III

A.C. de Haenne

Commentaires

  1. Hum... Du coup tu m'intrigues là!

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    1. Franchement, il y a de quoi. Plus de cinq ans après, ce roman demeure un très bon moment de lecture.

      A.C.

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  2. Est-ce que tu as lu "Le poids de son regard" de Tim Powers qui reprend le séjour suisse des fameux Shelley/Byron ? J’en ai gardé un bon souvenir, faudrait que je relise.

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    1. Non, pas lu. J'en ai entendu parlé mais je ne savais pas que ça parlait de ça. Tu m'intéresses, je note.

      A.C.

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